D
epuis le début de
l’année, dans le cadre du
dispositif Politique de la
ville, plusieurs centres sociaux
de quartiers sensibles des Bou-
ches-du-Rhône ont organisé
des visites au Mémorial du
camp des Milles. Une initiative
soutenue par l’État, qui prépare
d’ici la fin de l’année la signatu-
re d’une convention pour struc-
turer et financer le dispositif.
Marie Lajus, préfète déléguée
pour l’égalité des chances dé-
taille le projet de partenariat.
❚ Quel est l’objet de la conven-
tion en préparation ?
"L’idéeest d’utiliser l’outil for-
midable que constitue le Mémo-
rial des Milles comme un levier
de diffusion de messages dans
la lutte contre les discrimina-
tions, considérant que le camp
des Milles donne la possibilité
de faire passer des messages pé-
dagogiques, àlafois sur
l’histoire du camp, mais aussi
sur la problématiquegénérale
des discriminations, ycompris
dans son actualité la plus quoti-
dienne.
Nous nous proposonsdonc de
formaliser une collaboration
qui est déjà engagée depuis une
année àpeu près entre la préfec-
ture des Bouches-du-Rhône,
dans son action de cohésion so-
ciale et d’animation de la Politi-
que de la ville, et le camp des
Milles."
❚ Comment sera traduite cette
volonté?
"Dans les quartiers prioritaires
de la Politique de la ville, il exis-
te des risques de dérives com-
munautaires ou de difficultés
de cohabitation entre groupes
humains, avec parfois des
connotations religieuses ou rela-
tives aux origines géographi-
ques ou ethniques des person-
nes. Il s’agira de faire passer ces
messages sur l’histoire des déri-
ves liées àladiscrimination eth-
nique àunnombre le plus im-
portant possible de publics is-
sus de ces quartiers, pour mieux
prévenir les périls qui peuvent
exister, dans ces quartiers et
dans la communauté nationale
en générale.
L’idée, c’est donc d’organiser
des visites du mémorial pour
desgroupes de personnes is-
sues des quartiers prioritaires
de la Politique de la ville des
Bouches-du-Rhône, ce qui peut
concerner àlafois les jeunes gé-
nérations mais aussi les adultes
et les personnes plus âgées. Le
projet, c’est aussi que les visites
soient suivie par un travail
d’animation dans les quartiers,
par le biais des structures asso-
ciativesdes quartiers, et notam-
ment les centres sociaux, et
avec le personnel du mémorial,
comme intervenants et experts
sur ces questions."
❚ Quels sont les engagements
concrets de l’état pour mettre en
œuvre ce programme?
"La préfecture s’engage àorien-
ter des financements d’État de
la Politique de la ville pour finan-
cer ces actions-là (coût des
transports, de la visite…, Ndlr).
On va égalementtravailler àla
mise àdisposition d’un emploi
adulte-relais (emploi aidé où
plus de la moitié du salaire est
pris en charge par l’État, Ndlr)
dont la fonction sera, au sein de
l’équipe du Mémorial du camp
des Milles, d’être dédié àlamé-
diation auprès des publics issus
des quartiers de la Politique de
la ville."
Unoutildeluttecontre
lesdiscriminations
L’État s’appuie sur le mémorial dans le cadre de la Politique
de la ville. Une convention va formaliser ce partenariat
Fondation du camp des Milles
SURL’AGENDA
Unecicatrice dans
l’histoire:Rwanda 1994
Témoignages et photos de survi-
vants du génocide des Tutsis.
➔
Exposition àvoir jusqu’au 1
er
novembre.
Zoos humains,
l’invention du sauvage
Pendant plus d’un siècle, les ex-
hibitions humaines ont visé à
tracer une frontière et une hié-
rarchie entre prétendus civili-
sés et prétendus sauvages.
Conservateurs :Pascal Blan-
chard et Lilian Thuram.
➔
Du 17novembre au 12 décembre.
Cinéma et exil
Deux jours de projections et dé-
bats.
➔
Les 20 et 21 novembre, de 9hà17h.
Spectacle:"N° 187"
Une adapta-
tion libre et
pluridiscipli-
naire du Dia-
ble en France,
de Lion
Feuchtwan-
ger (photo),
auteur juif allemand interné au
camp des Milles. Direction artis-
tique:Yan Gilg et la compagnie
strasbourgeoise Mémoires vi-
ves. / PHOTO DR
➔
Le 3décembre (horaire àpréciser).
Hommage àMandela
Conférence et projection en
présence d’un de ses proches
camarades de lutte.
➔
Le 5décembre (horaire àpréciser).
Concert Léo Marschutz
En parallèle de l’exposition Léo
Marschutz (avril-mai 2015).
L’année 2015 marquera aussi la
commémoration du génocide
des Arméniens au travers d’une
grande expo temporaire qui de-
vra démarrer au mois de juin.
➔
Concert le 22 janvier 2015 (horaire à
préciser).
➔
Pour plus de précisions sur les tarifs et
horaires: 0 04 4239 1711 ou
www.campdesmilles.org
◗ MOHAMEDMAGHRAOUI, ÉDUCATEUR
Boxeur et éducateur àlamunicipalité de
Toulon, Mohamed Maghraoui intervient
aussibien en milieu carcéral qu’auprès
des jeunes des quartiers sensibles. Il est
venuvisiter le camp des Milles il yaquel-
quesmois. Un peu àreculons au départ,
admet-il sans fard:
"Je suis musulman
pratiquant et, pour parler franchement,
j’avais un peu l’impression qu’on n’allait
m’y parler que des juifs, de leur histoire
et pas de ce qui me concernait moi."
Diffi-
cile, sans doute, de songer que la Shoah
pourrait n’êtrequ’une histoire juive. Mais l’actualité de ces der-
nières années, ça n’est un secret pour personne, alargement ten-
du les relations entre les deux communautés. Mohamed Ma-
ghraoui, lui, adonc finalement décidé de passer outre et de venir
au mémorial.
"Et là, j’ai compris,
assure-t-il aujourd’hui.
J’ai com-
pris que ce dont on parle ici concerne tout le monde et peut ser-
vir àtout le monde. Je pense par exemple àlaphoto de l’homme
aux bras croisés dans un meeting des Nazis. C’est très fort pour
des jeunes de cités où l’on fonctionnebeaucoup sur des phéno-
mènes de groupes, de suivisme de la bande de copains. Aux Mil-
les, on voit que l’on peut se désolidariser du groupe et avancer
de son côté. Ça n’est pas parce que les potes font un braquage
qu’on est obligé de les suivre. Ce message présenté aux Milles ne
marchera jamais avec tous les jeunes, mais si dans un groupe, il
yenaun qui comprend, on adéjà gagné."
◗ MAGALI VIENS, PROF D’HISTOIRE AU LYCÉE
Professeur d’histoire-géo au lycée Célony, àAix, Magali Viens a
emmené plusieurs fois ses classes de seconde,première ou termi-
nale en visite au Mémorial des Milles.
"En tant que professeur, je
trouve que c’est un vrai plus de pouvoir associer les cours
d’histoire avec un lieu de mémoire",
confie-t-elle.
Comme le reste de la société, ses élèves arrivent avec leurs pro-
pres schémas, leurs propres idées, façonnées notamment par
l’actualité récente.
"Mais on arrive assez vite àdépasser ces
idées préconçues, ces images glanées sur les réseaux sociaux,
notamment quand on visite la partie mémorielle, avec le dortoir
des femmes et des enfants, ou encore avec l’expo Klarsfeld,
pour-
suit le professeur.
Pour mes élèves, la déportation d’enfants jus-
te parce qu’ils n’étaient pas de la bonne confession, c’est quel-
que chose d’incompréhensible et qui les touche vraiment."
Cette
approche humaine et sensible de la réalité de la Shoah permet
surtout
"de les bousculer et d’ouvrir le dialogue qu’on mène en-
suite quand on visite la partie réflexive",
précise Magali Viens.
Ils ont visité le camp des Milles
Marie Lajus, préfète déléguée pourl’égalitédes chances.
Un supplément du journal
LaProvence.
Textes:Guénaël LEMOUÉE.
Photos:SergeMERCIER,Patrick
NOSETTO, Sophie SPITÉRI, Nico-
las VALLAURI et G.L.
"J’espère qu’un jeune qui entrera dans ce mémorial
n’en sortira pas de la même façon. En considérant
qu’il est entré sans rien savoir, il faudra qu’à la sortie
il sache ce qu’il s’est passé, d’un point de vue
historique, mais qu’il puisse aussi s’interroger sur
l’être humain et comment l’être humain peut avoir ce
double côté. Le côté où il peut devenir lui-même le
bourreau et comment on peut avoir, de l’autre côté,
des Justes."
PASCAL CHAMASSIAN, SECRÉTAIRE NATIONAL DU CONSEIL
DE COORDINATION DES ORGANISATIONS ARMÉNIENNES DE FRANCE
"Utiliser l’outil
formidable que constitue
le Mémorial des Milles."
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